Ukulele préféré |
Ia ora na Florent ! Comment est né ton attrait pour la musique ?
Ia ora na ! Mon père est musicien lui aussi alors c'est venu dès mon plus jeune âge, à force de voir les ukuleles et les guitares dans la maison familiale. La musique m'a toujours plu : j'ai toujours été très curieux, avec cette volonté d'explorer, d'aller voir "là où personne n'était allé". J'ai aussi été beaucoup influencé par des guitaristes qui ont été avant-gardistes, qui n’avaient de cesse de repousser les limites de leur instrument. Très jeune j’ai senti que je souhaitais faire la même chose. Alors pour que la musique ne devienne pas quelque chose d’alimentaire, j’ai choisi de poursuivre mes études, ce qui m’a permis d’exercer la profession que je fais aujourd’hui, tout en ayant le luxe de pouvoir faire la musique qui me plaît sur mon temps libre. J'ai suivi une formation traditionnelle jazz / blues où j'ai appris l'improvisation et j'évolue dans un style rock principalement. Très tôt j'ai commencé à jouer à Hawaii, du côté des Etats-Unis. A l’adolescence, j’y allais régulièrement avec ma famille. C’est comme ça que j’ai rencontré des gens du milieu de la musique, que j’ai fait des live là-bas et que j’ai enregistré mes albums.
Peux-tu nous parler du “slide picking”, cette technique à la guitare électrique que tu as inventée ?
Le principe c’est de frapper une corde avec le médiator et essayer de faire des sons. Le but est de faire des boucles, en faisant sonner les cordes juste en coulissant le médiator sur la touche. La main gauche intervient aussi peu que possible.
C’est une technique que j’ai commencé à développer à l’adolescence, dans les années 95. A l’époque, je me demandais ce que je pouvais faire avec cet instrument qui n’avait jamais été fait avant. J’étais curieux, c’était vraiment pour m’amuser ! C’était un peu un pari fou, alors pendant des années c’est resté en suspens. Et en 2009, le guitariste Michael Angelo Batio est venu à plusieurs reprises au fenua. En m’écoutant jouer, il a été surpris par cette technique qu’il n’avait jamais vu, bien qu’il parcourait le monde. C’est lui qui m’a encouragé à la partager sur Youtube avec le milieu des guitaristes. J’ai eu de très bons retours, ça représentait un réel intérêt pour la communauté des musiciens.
Aujourd’hui, ça en est arrivé au point où j’arrive à proposer des passages entiers exécutés uniquement à l’aide de cette technique ! Actuellement je travaille sur un nouveau morceau qui cette fois-ci va essayer de placer cette technique dans le cadre d’une orchestration. L’idée c’est d’avoir une basse, une batterie et faire un vrai morceau instrumental pendant 2,3,4 minutes à la guitare à l’aide de cette technique.
Tu as eu aussi l’occasion de développer des projets au ukulele. Comment ça s’est fait ?
C’était en 2012, au moment où je faisais une pause musicale afin de me consacrer pleinement à ma thèse de doctorat. A cette époque, un ami et producteur d’Hawaii m’a proposé de faire des pistes de ukulele pour l’un de ses albums car l’instrument revenait à la mode là-bas… J’aime les challenges alors j’ai répondu favorablement, en lui disant “pourquoi pas, je vais essayer”. J’ai donc appris le ukulele “par défaut”, comme je n’avais plus le temps de faire autre chose ! Mais honnêtement, à part le fait qu’il y ait des cordes et que je vois à peu près comment m’en servir, moi je pense comme un guitariste. Il y avait de nombreuses choses à apprendre : l’accordage est différent, les appuis aussi… sans parler de la technique ! Mes repères n’étaient pas les mêmes mais j’ai essayé d’utiliser cet instrument au sens propre du terme : tel un “instrument”, me permettant de m’exprimer en fonction de ce que j’arrive à faire. J’ai aussi essayé de tirer profit de ça, le fait de ne pas trop connaître les codes qui constituent vraiment la tradition du ukulele. Ça m'a peut-être permis, je l’espère, d’introduire un nouveau souffle.
En 2014, la compilation est sortie au nom de “Island style ukulele 2”, regroupant de nombreux artistes hawaïens connus. L’idée était de proposer des ré-interprétations au ukulele de morceaux de rock connus. J’ai proposé une version revisitée de “Sweet City Woman” et c’est ce morceau qui a été choisi en forte rotation afin de faire vendre l’album. L’album a remporté une récompense à Hawaii.
La même année, j’ai aussi participé avec ma sœur à un album de Noël qui a été nominé cette fois-ci. Toujours au ukulele, nous avons réinterprété la mélodie “Go Tell It On The Mountain”.
Et ensuite, nous avons réinterprété au ukulele des morceaux traditionnels hawaïens, chantés en langue hawaïenne. C’est encore une belle aventure personnelle car j’ai choisi le titre “Hilo One” (Hilo qui est une ville sur l’île de Hawaii et “One” veut dire “sable”, donc c’est le “Sable de Hilo”). Bien que cette chanson soit un titre traditionnel là-bas, je l’ai connu grâce au groupe Hui Ohana qui a bercé mon enfance. Ils sont venus à Tahiti en 1987, John Gabilou les avait fait venir, un ami de mon père… J’avais 7 ou 8 ans et c’était le premier concert auquel j’assistais (d’ailleurs j’ai toujours le ticket !). Ça m'a marqué car pour moi c’est associé à tellement de choses (mon enfance, cette musique qui a bercé toutes ces belles années passées à Hawaii avec mes parents…). Alors lorsqu’il a fallu choisir un titre pour ce projet, je me suis dit que symboliquement il y avait quelque chose à jouer. Je n’ai pas hésité à réinventer le morceau en composant des parties qui n’existent pas dans l’original. De fil en aiguille, le producteur a aimé la version et c’est ce morceau qui a permis de faire vendre l’album et de remporter à nouveau un Hoku Awards (l’équivalent Hawaien des Grammy Awards).
Personnellement j’étais vraiment très content car pour l’ensemble de ces projets, ce ne sont pas juste des reprises que j’ai proposé. A chaque fois j’ai vraiment essayé de réinventer les morceaux, en m’amusant avec tous les outils musicaux que j’avais à disposition et en fonction de ce que l’on m’a demandé de faire.
Merci Florent pour cet échange ! Et pour finir, as-tu de futurs projets ?
Depuis quelques années, j’avoue être débordé par le côté professionnel. Récemment j’ai rejoué avec ma soeur, on essaie de garder le contact avec le public comme on peut. On maintient le lien notamment grâce aux réseaux sociaux. L’idée est de refaire un plus gros concert très bientôt, une étape intermédiaire avant la sortie d’un nouvel album que je suis en train d’enregistrer chez moi tout doucement. Mauruuru Upa Upa Tahiti pour cette interview !