Ukulele préféré |
Ia ora na Silvio ! Peux-tu commencer par te présenter ?
Ia ora na ! Je m’appelle Silvio Roy Cicero, j’ai 29 ans et je suis auteur, compositeur et chanteur. Je suis également professeur de guitare, j’ai mon école où j’enseigne l’apprentissage de cet instrument à mes élèves. Mon prénom est d’origine italienne car mon père est sicilien. Ma mère, elle, est vietnamienne, ce qui fait de moi un « demi » ! Mais pas un « demi » comme on a l’habitude de l’entendre ici car je n’ai pas une seule goutte polynésienne. Toute ma famille, dont mes parents, ont grandi en France à Montpellier, c’était des immigrés. Puis ils ont déménagé aux Etats-Unis, où je suis né. Je suis arrivé en Polynésie à l’âge de 3 ans, ce qui fait de moi quelqu’un de cosmopolite !
J’ai grandi sur l’île de Moorea, où j’ai vécu toute ma petite enfance, puis je suis venu à Tahiti pour les études. Je ne suis pas polynésien et je ne me sentirai jamais polynésien comme un vrai polynésien. Mais pour autant, je me considère comme tahitien de culture.
Comment ce goût pour la musique est né ?
Tout a commencé pour moi à travers la guitare lorsque j’étais enfant, vers l’âge de 12 ans. J’ai commencé la guitare grâce à ma mère, qui souhaitait que l’on joue d’un instrument ma soeur et moi. Un ami de la famille m’a donné des cours régulièrement. A cette époque, c’était pas forcément une révélation mais c’était aussi ma seule occupation (avec le tennis de table !). J’ai persévéré et quand j’ai eu 16 ans, j’ai participé à un concours qui s’appelait « Tahiti Espoir Guitar ». Ça avait pris beaucoup d’ampleur sur le territoire car c’était médiatisé, on passait à la télévision tous les jours… C’était un gros truc ! J’ai gagné ce concours et j’ai eu l’occasion de faire la Une de La Dépêche de Tahiti le lendemain, c’était grandiose pour moi à l’époque. Cette expérience m’a beaucoup motivé à faire de la musique mon métier.
D’ailleurs actuellement, je suis plus professeur de guitare qu’artiste. Je compose mes chansons et j’écris pour d’autres aussi. Au début je voulais être le meilleur guitariste du monde mais ensuite je me suis rendu compte que ça ne valait pas le coup, de mon point de vue ! Parce que le grand public ne porte que peu d’intérêt pour la musique instrumentale, les gens s’attendent surtout à ce que tu chantes. C’est pas dans les moeurs populaires d’apprécier uniquement un guitariste instrumentiste, sauf s’il joue une musique de Michael Jackson, appris par coeur… En ayant compris ça, j’ai commencé à chanter mais assez tard, à l’âge de 19 ans seulement. A peu près à la même époque je me suis mis à l’écriture : j’ai ensuite sorti ma première chanson, un zouk love, lorsque j’avais 23 ans. Puis mon style a évolué : j’ai fait du reggae, de la variété (en tahitien, français et anglais)… Mais c’est à partir du moment où j’ai commencé à chanter en tahitien que je me suis fait connaître ici. Pourtant, ce n’est pas mon réflexe premier puisque je ne parle même pas la langue et que je ne suis pas tahitien de sang. C’est un peu une imposture, mais je le fais car la Polynésie est bien ancrée dans ma vie : je vis ici, je suis avec une polynésienne et j’ai 2 enfants qui sont « demi » polynésiens.
Et aujourd’hui je suis plus dans la country. Le peu de morceaux country que j’ai sorti ici a été très apprécié par les polynésiens. J’ai eu un petit public et je suis heureux de pouvoir offrir aux polynésiens un son différent de ce qu’ils ont l’habitude d’entendre.
Peux-tu nous parler de ton attrait pour la musique country ?
C’est un style musical que j’apprécie beaucoup car ce qui est vraiment respectable dans la country c’est que ce sont de vrais instruments qui sont utilisés : une batterie, de la basse… Ca a donc un son particulier ! On utilise pas de batterie programmée par exemple - ce que je ne critique pas non plus car c’est parfois nécessaire dans les chansons et ça fonctionne. La country ça représente aussi des valeurs : celles du mariage, de la famille, de la religion… portées par la plupart des chanteurs country célèbres. Finalement ce n’est pas uniquement un style musical, c’est un mouvement.
D’ailleurs l’un de mes objectifs était de faire venir la country ici, à Tahiti. Pour ça j’ai sorti il y a 2 ans le titre « Here Faito Ore », qui m’a fait connaître un peu ici. Je pense que le polynésien aime la country, bien qu’il ne le sache pas forcément encore. Mon but c’est d’amener ça ici, car les polynésiens sont fascinés par l’Amérique ! Tandis qu’en France c’est plutôt le contraire, la country a presque une connotation péjorative, à tord !
Quelles sont tes sources d’inspiration lorsque tu composes ?
Elles sont multiples ! Ca peut être un souhait, un idéal, une idée ou encore une expérience personnelle ou celle d’un proche… Quand tu écris une chanson, c’est un peu comme faire un puzzle : tu résous un problème, tu fais du bricolage. L’inspiration ne vient pas comme ça ! C’est un processus laborieux car il faut réussir à s’asseoir, faire le vide des tracas du quotidien et user de sa créativité - que je considère comme un muscle. Selon moi, ça demande de la volonté. Personnellement j’ai des périodes où j’écris beaucoup, d’autres où c’est le néant total. Quand à côté tu as beaucoup de choses à faire en terme de business, famille etc… C’est difficile d’écrire. Mais lorsque tu écris une chanson, il faut profiter de cette énergie pour en écrire une seconde, puis une troisième…
Et il y a aussi les chansons inachevées : c’est facile de commencer une chanson mais la terminer c’est plus compliqué ! C’est une corvée. Moi je fonctionne par objectifs à l’année : j’établie un planning de sortie de chansons que je dois respecter.
Rencontres-tu des difficultés lorsque tu composes ?
Oui car aujourd’hui ce qui est difficile dans l’exercice de la composition c’est de devoir écrire des chansons différentes à chaque fois. Il ne faut pas que tes morceaux se ressemblent de trop, aussi bien dans le texte que dans la composition musicale.
Et l’autre difficulté c’est de ne pas produire une musique qui existe déjà, car tout a déjà été inventé finalement. Ce n’est pas évident d’inventer une nouvelle mélodie, il faut vérifier que ça n’existe pas encore. En fait, tous les auteurs-compositeurs sont le mélange de leur influences musicales. On est le produit de tout ce qu’on écoute. D’autant plus qu’il y a des codes, des règles et des structures à respecter quand tu fais de la musique - et que tu souhaites passer tes morceaux à la radio par exemple. Autrement si tu veux absolument innover et rester dans ton coin, malheureusement il n’y aura que ta famille pour t’écouter. Il faut toujours se baser sur des références, mais pas les copier.
Joues-tu aussi du ukulele ?
Oui, j’ai d’ailleurs d’abord commencé à apprendre à jouer du ukulele avant de me mettre à la guitare. Je pense ne pas être le seul dans ce cas. Le ukulele c’est 3 fois plus facile que la guitare : avec ce petit instrument, en un jour de pratique tu peux déjà faire un ou plusieurs accords qui sonnent bien ! Ce n’est pas pareil à la guitare… [rires]. De plus, le son du ukulele te transporte directement dans les îles, à Hawaii… C’est un bel instrument mais pas aussi riche que la guitare, qui est plus complexe et avec plus de possibilités. Le son est plus complet, tu peux jouer tous les styles à la guitare.
Conseilles-tu à tes élèves de commencer à apprendre le ukulele lorsqu’ils débutent ?
Je conseille cet instrument aux enfants de moins de 10 ans, dans le cas où les parents sont pressés de leur faire apprendre un instrument. Autrement, je leur conseille d’attendre un peu avant de commencer à apprendre la guitare. C’est un instrument bien adapté aux enfants, et aux adultes qui souhaitent apprendre un instrument qui est facile.
Merci Silvio pour cet échange ! Pour finir, quels sont tes projets pour la suite ?
L’année prochaine, en avril 2022, je prévois d’aller à Paris pour essayer de toucher un plus large public. Je suis content d’être à Tahiti et de pouvoir proposer ma musique aux polynésiens mais mon souhait ça serait vraiment d’aller en France. Avec mon manager, je prévois de faire le tour des labels majeurs pour présenter mes titres en français, dans un style country. J’ai à coeur de proposer de la country française, chose qu’il n’y a pas encore en France je pense. Je prévois aussi un titre de Noël en tahitien, que je vais prochainement sortir.
Sinon, à partir de janvier prochain, je vais aussi donner des cours de ukulele. Et puis prochainement, je vais ouvrir mon magasin de musique qui va s’appeler « Cicero Guitar Shop ». J’y vendrai des guitares folk, classique, des ukuleles… en plein centre de Papeete ! Māuruuru Upa Upa Tahiti pour cette interview.